15ème législature

Question N° 306
de M. François Cormier-Bouligeon (La République en Marche - Cher )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Projet de piscine de stockage de déchets nucléaires à Belleville-sur-Loire

Question publiée au JO le : 08/05/2018
Réponse publiée au JO le : 16/05/2018 page : 3755

Texte de la question

M. François Cormier-Bouligeon attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le projet de piscine de stockage de déchets nucléaires à Belleville-sur-Loire. Ce territoire, au cœur du sancerrois, pourrait être choisi par l'entreprise EDF pour accueillir à l'horizon de 2030 une piscine de stockage de déchets nucléaires prenant le relais du site de La Hague. Aucune concertation n'a été menée sur ce projet à ce stade et cela suscite de nombreuses inquiétudes. Si EDF se veut rassurant, nombre de responsables territoriaux n'en sont pas au stade d'une opinion forgée. Il y a bien sûr l'attrait des emplois créés, qui constituerait un gain de court terme. Il y a également la question du retraitement des déchets nucléaires que doit être posée pour ne pas être dans une posture hypocrite. Mais il y aussi la question de la sécurité. Le projet serait construit sur les bords de Loire et au cœur de pas moins de 4 vignobles classés AOC. Il serait surtout situé à 200 km de l'aire urbaine de Paris qui compte plus de 20 millions d'habitants. Il y a enfin la perspective du patrimoine que l'on veut laisser aux générations futures. Dès lors, il souhaite savoir quels sont les autres sites ayant fait l'objet d'une évaluation et si le Gouvernement va s'appuyer pour ce projet comme pour celui de Notre-Dame-des-Landes sur une mission objective permettant de mettre en balance les gains et les risques des différents sites retenus, étude qui devra permettre de préserver le Sancerrois pour les siècles à venir.

Texte de la réponse

PROJET DE PISCINE DE STOCKAGE DE DÉCHETS NUCLÉAIRES À BELLEVILLE-SUR-LOIRE


M. le président. La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour exposer sa question, n°  306, relative au projet de piscine de stockage de déchets nucléaires à Belleville-sur-Loire.

M. François Cormier-Bouligeon. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Au cœur de la France vit un territoire bordé par notre majestueuse Loire, si chère à Maurice Genevoix. Ses paysages remarquables ont été forgés au cours des millénaires. Sa géologie est exceptionnelle. Ses coteaux sont travaillés depuis des siècles par des vignerons passionnés, qui élèvent parmi les meilleurs vins au monde, notamment le plus beau Sauvignon du monde : le Sancerre.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est précisément ce territoire qui pourrait être choisi par les ingénieurs d'EDF et par l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, pour héberger un « La Hague II », c'est-à-dire une immense piscine de stockage de déchets nucléaires de longue durée. Or, à ce stade, pas la moindre concertation n'a été menée sur ce projet, qui suscite pourtant de nombreuses interrogations et pas moins d'inquiétudes.

Si EDF se veut rassurant, les habitants et nombre de responsables territoriaux n'en sont pas au stade d'une opinion forgée. Il y a bien sûr l'attrait de la création d'emplois, qui constituerait un gain à court terme. Il y a en outre la question du retraitement des déchets nucléaires, qui doit être abordée si l'on ne veut pas céder à l'hypocrisie. Mais il y a aussi le problème de la sécurité : le projet serait construit sur les bords de Loire, au-dessus d'une nappe phréatique qui alimente par connexion une aire géographique rejoignant l'Île-de-France et ses millions d'habitants.

Ma question sera double. Premièrement, y a-t-il d'autres sites retenus à ce stade et si oui, quels sont-ils ? Deuxièmement, afin de ne pas provoquer la création d'une nouvelle ZAD, cette fois au cœur du Berry, donc au cœur de la France, quelles conditions allez-vous fixer à EDF et à l'ASN pour qu'il y ait une information et une concertation réelles et sérieuses avant qu'une décision ne soit prise ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question ; comme vous le savez, je suis particulièrement à la pointe, et même exposé – si je puis dire (Sourires) –, sur ces questions.

Vous évoquez un projet de piscine de stockage de déchets nucléaires qui prendrait le relais du site de La Hague, dès lors que celui-ci arriverait à saturation. Je vous confirme qu'il y a bien un projet en la matière, mais, à ce stade, sa localisation n'est pas encore définie. Telle est en tout cas la position de l'État et du Gouvernement.

Quelques informations très techniques sur un sujet qui l'est éminemment. Le groupe permanent d'experts pour les réacteurs nucléaires, qui appuie l'Autorité de sûreté nucléaire, a souligné dès 2015 l'importance de la création envisagée par EDF – principal fournisseur de déchets radioactifs dans notre pays – d'une nouvelle piscine, centralisée et répondant aux critères de sûreté les plus récents. Le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, qui arrive à terme – j'ai d'ailleurs annoncé la tenue d'un nouveau débat public sur le sujet, qui intégrera une réflexion sur le projet de centre industriel de stockage géologique, CIGEO, à Bure –, mentionne lui aussi la nécessité d'une installation de ce type pour répondre aux besoins qui ont été exprimés.

Sachez que la réglementation offre à toute personne qui prévoit d'exploiter une installation nucléaire de base la possibilité de demander à l'Autorité de sûreté nucléaire, préalablement à l'engagement de la procédure d'autorisation de création correspondante, un avis sur tout ou partie des options qu'elle a retenues pour assurer la sûreté de cette installation. C'est ce qu'a fait EDF en avril 2017 dans le cadre de ce dossier.

L'installation en est donc à la phase d'avant-projet. EDF devra choisir le site correspondant au moment du dépôt de la demande d'autorisation de création auprès des services du ministère, prévu en 2020. Le projet fera l'objet d'une information et d'un débat publics : c'est la loi. Toutefois, comme nous l'avons fait pour le CIGEO de Bure, nous demanderons aux porteurs du projet d'aller plus loin que ce qui est prévu en la matière, et cela en liaison avec l'ensemble des acteurs et des populations concernés. En outre, le Gouvernement sera plus que vigilant quant au respect des critères de sécurité et de sûreté.

Toutefois, je propose, monsieur le député, qu'avec l'ensemble des acteurs de votre circonscription et EDF, nous nous rencontrions sans attendre afin de faire un point précis sur le dossier. Je n'ignore pas en effet que vous avez besoin d'informations ; nous serons là pour vous accompagner.

Le nucléaire, science particulièrement délicate, mérite beaucoup de transparence. Nous y sommes prêts, ainsi qu'EDF, au service de votre territoire – et bien entendu du sauvignon !

M. le président. La parole est à M. François Cormier-Bouligeon.

M. François Cormier-Bouligeon. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse complète, rassurante et respectueuse des élus locaux comme des populations. Je répondrai bien sûr à votre invitation, en compagnie des responsables locaux.

Permettez-moi quand même d'ajouter que l'économie du territoire repose en majeure partie sur l'agriculture et en particulier la viticulture, laquelle génère un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros par an. Je veux également souligner les projets des élus locaux pour développer le tourisme, notamment celui du classement du Sancerrois à l'UNESCO, présenté au Premier ministre il y a quelques jours lors de son déplacement dans le Cher et à Sancerre.

M. le président. Merci de conclure...

M. François Cormier-Bouligeon. J'ajoute enfin que la région Centre-Val de Loire accueille déjà douze des cinquante-huit réacteurs nucléaires français, soit 20 % du parc, quand ses habitants représentent moins de 4 % de la population nationale. Tous ces éléments doivent évidemment peser dans la décision.